Individualisme et société

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Individualisme (allégorie)
Individualisme (allégorie)

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, celui qui pourfend l’individualisme me fatigue.

Bien souvent il proclame « Tout va mal, les gens ne pensent qu’à eux même ! L’individualisme est la plaie de notre société ». Mais par ces paroles, n’est-il pas lui-même un individualiste ?

Par cette sentence, ne se met-il pas à part ? Est-il l’individu intelligent distinct de la masse ? Ne fait-il pas partie de la société ? N’est-il pas un de ces « gens » comme nous tous ? Pourtant par cette exclamation il le nie, exacerbant son individualité, se proclamant premier de cordée.

Il a des excuses. Comme nous, il est soumis à une mise en forme sociale dont les let-motifs sont la performance individuelle, la consommation individuelle, la responsabilité individuelle. Écoles, télévision, publicité, médias, entreprises, toutes ces institutions propagent à longueur de temps des messages renforçant un individualisme de compétition. Sortir de la masse devient obsession. On est soit le premier, au-dessus des gens ; sinon on est la masse, un rien anonyme.

Et l’indifférence envers « les gens », ceux qui ne sont rien, monte. La politique, c’est-à-dire l’organisation commune des gens par les gens, devient inutile, ou pire, nocive. Seuls les premiers sont légitimes. Mais à la fin qui reste-t-il ? Qui sont les premiers des premiers ?

Si vous voulons faire société, il nous importe de déconstruire cet individualisme exacerbé porté par l’idéologie mortifère du darwinisme social.

Ne pourrions-nous pas simplement considérer l’individualisme comme la volonté de favoriser l’épanouissement de l’individu en société ? De façon plus générale, comment les sociétés humaines s’organisent-elles pour concilier l’individu et le groupe ?

En me posant cette question j’ai découvert, miracle de l’internet, une publication d’un ethnologue du CNRS :

Charles Macdonald, « Structures des groupes humains. Vers une axiomatique »,
L'Homme 2016/1 (N° 217), p. 7-20.

Dans cet article l’auteur soutient que la question « compétition ou coopération ? », n’est pas la bonne question, car il y a toujours coopération.

Mais celle-ci peut-être consentie par l’individu ou forcée par le groupe. Dans le premier cas les sujets sont autonomes et il y a égalité entre les individus, dans le deuxième les sujets sont les rouages d’une hiérarchie. Dans une hiérarchie il y a compétition pour atteindre le sommet et collaboration forcée entre les niveaux.

L’apparition de la hiérarchie avec les sociétés humaines est récente en regard de l’histoire des hominidés et nous consentons naturellement à la coopération. C’est cette part grégaire de notre être qui nous fait mettre en cause les hiérarchies sociales imposées.

Comment tout cela va-t-il évoluer ? Pour l’auteur, la question reste entière. Voici sa conclusion ;

Cette invention qu’est la société est, à bien des égards, une machine infernale, productrice de guerres dévastatrices, des plus grands massacres à une échelle mondiale, des pires haines, de l’institutionnalisation de la cruauté, des totalitarismes les plus oppressifs. Elle est aussi une boîte miraculeuse d’où l’intelligence magique des hommes fait sortir des merveilles. Y renoncer n’est pas envisageable. Mais si le meilleur de l’homme, son éthique, son altruisme, son goût de la fraternité, de la solidarité et du partage, vient de sa part grégaire, comment envisager l’avenir ? Il est possible que celui-ci se joue dans cette dialectique entre l’ordre social et l’harmonie anarchique, dont les termes opposés seront ou non conciliés, amalgamés, réduits ou dépassés.

 

 

 

L’entreprise et la machine à sous

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Quel rapport ? Me direz-vous. Eh bien justement, le rapport c’est : le gain, le revenu, l’intérêt, le boni, la rente, bref le moteur de cette analogie.

Avez déjà joué au casino ? Essayez donc. Donnez-vous une limite, disons 10€, à dépenser dans une machine à sous. Supposons que la mise minimale soit de 1€. Vous avez fort peu de chance de gagner, encore que, si vous n’avez jamais joué dans l’établissement il n’est pas impossible que la machine fasse un geste : 10€, 50€ ou même 100€ pourraient tomber dans votre gamelle. Si cela vous arrivai, dépenserez-vous juste vos 10€ ou bien continueriez-vous à jouer en engageant vos gains ?

Nous entreprenons tous des choses : cultiver la terre, réaliser des objets, ouvrir un commerce, fonder un foyer, éduquer ses enfants, etc. Pour autant nous ne sommes pas considéré-e-s par les « Entrepreneurs » comme tel. Car l’Entrepreneur crée et possède son Entreprise ! (Oui, je sais le machisme de cette phrase).

En réalité, comme beaucoup d’Entrepreneur, je n’étais pas seul. Nous étions plusieurs associés, chacun possédant une part de capital. Nous avions un projet commun, une idée de services et produits à proposer à nos clients. Mais comme sur la machine à sous, il faut d’abord investir, mettre des pièces dans la fente, pour que le client signe et nous paye. Premier client,premier gain, premier jackpot ! On y croit ! Au début, on ne pense pas devenir millionnaire. Seulement gagner sa croûte, si possible bien, obtenir la reconnaissance des proches, des clients, du marché. Mais avec les succès viennent l’ivresse.

On investit. L’argent des clients sert à améliorer le produit, se faire connaître, on dépense plus que l’on engrange ! Le chiffre d’affaires augmente, les pertes aussi, mais on espère se refaire avec un gros, très gros client, gagner non plus 2 affaires par mois, mais 20 ! On en est persuadé et l’on va voir son banquier ! Mais on déchante rapidement. Allez voir le patron du casino pour qu’il vous prête de l’argent, vous comprendrez cette situation !

Alors une seule solution, demander aux parieurs professionnels, ceux qui amassent les gains à ne plus savoir qu’en faire ! Le patron du casino ne joue pas, il délègue aux « Investisseurs ». Ils collectent le « ruissellement » de l’établissement et le recyclent.

Vous, totalement addict, vous allez jouer avec eux. Vous allez gagner des millions ! Vous en êtes sûr ! Alors, en échange des fonds obtenus de tous ces gagnants qui ne savent plus où placer leur argent, vous cédez une partie de votre Entreprise.

Mais ce qu’ils vous prêtent, il faut leur rendre ! Vous devez faire tourner les roues. Plus vite, plus vite ! Mettez vos pièces dans la machine à sous ! Vous allez bien finir par gagner le jackpot !

Il y a quand même un truc bizarre, non ? L’argent que l’on vous a prété, dans tous les cas c’est celui du casino ! Vous perdez : il récupère sa mise, vous gagnez : il touche en plus une partie de vos gains ! C’est un parfait donnant-donnant !

À force d’actionner la manette, comme un automate, vous perdez l’Entreprise. Vos « Investisseurs » ont pris tellement de risques qu’ils sont maintenant « Entrepreneurs » à votre place. Mais, ils n’aiment pas s’embêter, ils vont la revendre à un autre pigeon, ou bien l’intègrer dans l’un de leurs établissements pour « créer de la valeur ».

Alors attention à vous ! Au casino il n’y a que le propriétaire qui gagne à tous les coups. Il faut savoir sortir du jeu au bon moment ou ne jamais y entrer.